L’épargne salariale, c’est 11 millions de salariés concernés, répartis dans 290.000 entreprises, pour des actifs atteignant quasiment 110 milliards d’euros à la fin 2014 selon les dernières statistiques disponibles. Une réforme de l’épargne salariale est intégrée au projet de loi Macron, actuellement examiné au Sénat. Que va-t-elle changer ? Tour d’horizon des mesures ayant le plus d’impact pour les salariés, point par point.

1 - Evolution et pas révolution

Christophe Castaner, le député PS porteur des mesures portant sur l’épargne salariale intégrées au projet de loi pour la croissance et l’activité, le reconnaissait dès le début du mois de décembre, au moment de la remise de son rapport sur le sujet : « Nous nous sommes rendu compte que l’on ne peut pas tout bouleverser », expliquait-il à cBanque en faisant référence à une harmonisation globale des différents dispositifs d’épargne salariale.

Plus de quatre mois plus tard, alors que ces mesures sont toujours en discussion au Parlement, le constat reste le même : « Ni les membres du Copiesas [le comité qui était chargé d’élaborer des pistes de réforme, NDLR] ni les partenaires sociaux ne souhaitent réformer de fond en comble l’épargne salariale, après des années d’instabilité législative », a souligné en commission la sénatrice UMP Catherine Deroche, co-rapporteure du texte au Sénat. Si elle ne bouleverse pas les dispositifs actuels d’épargne salariale, cette réforme aux mesures multiples vise à les simplifier et à les rendre plus attractifs.

2 - Information à l’entrée

Le livret d’épargne salariale, qui doit être remis au salarié lors de son entrée dans l’entreprise, ne devra plus évoquer « l’ensemble de ces dispositifs », comme aujourd’hui, mais uniquement ceux « mis en place au sein de l’entreprise » afin de rendre l’information au salarié plus efficace. Cette mesure a été votée à l’Assemblée nationale en février dernier. Le gouvernement veut par ailleurs imposer la remise de ce livret aux représentants du personnel.

3 - Information à la sortie

Au moment où le salarié quitte l’entreprise, l’état récapitulatif qui lui est remis devra comporter une information sur les frais de tenue de compte. Objectif : que le bénéficiaire sache si ces frais sont pris en charge par l’entreprise ou s’ils vont être prélevés sur les avoirs et ainsi grignoter le capital acquis. Là encore, cette mesure a été votée à l’Assemblée nationale.

4 - Intéressement et participation : vers l'uniformisation

La participation aux bénéfices est un dispositif obligatoire dans les entreprises de 50 salariés ou plus. L’intéressement est lui un dispositif facultatif qui permet à une entreprise de gratifier ses salariés si des objectifs prédéfinis sont atteints. Le Copiesas a proposé d’assouplir le « cap » des 50 salariés, afin d’éviter qu’une entreprise proposant déjà un accord d’intéressement à ses salariés soit obligée de mettre en place immédiatement un régime de participation. Cette mesure a été portée par des sénateurs puis a finalement reçu l’approbation du gouvernement. Si elle est définitivement adoptée, les sociétés passant ce fameux « cap » et proposant de l’intéressement disposeront d’un délai de trois ans pour mettre en place la participation.

Des accords négociés au niveau des branches professionnelles pour la participation comme pour l’intéressement ? Tel est le sens d’un amendement soutenu par le gouvernement et voté au Sénat. L’Assemblée nationale avait déjà adopté l’obligation de négociations d’accords de participation au niveau des branches d’ici le 30 décembre 2017. Le gouvernement s’est déclaré favorable à une mesure reprenant le même principe pour l’intéressement, ce qui permettrait au chef d’entreprise d’une société de moins de 50 salariés de « mettre en place un intéressement par décision unilatérale », car « la branche professionnelle lui fournirait alors un dispositif clé en main ».

En 2016, si le projet de loi Macron est adopté en l’état, les primes de participation et d’intéressement dues pour l’année 2015 devront être versées au plus tard le 1er juin. Jusqu’à présent, les dates limites de versement des deux dispositifs n’étaient pas les mêmes. Elles seront désormais fixées au « premier jour du sixième mois suivant l’exercice au titre duquel les droits sont nés ». En cas de retard, les entreprises devront s’acquitter d’une pénalité calculée sur la base d’un taux unique.

Actuellement, lorsqu’un salarié n’indique pas comment il souhaite voir sa prime utilisée, l’intéressement lui est versé par défaut alors que la participation alimente dans ce cas des dispositifs d’épargne salariale. L’Assemblée nationale a voté une mesure instaurant le versement par défaut de l’intéressement sur un PEE (Plan d’épargne entreprise), à partir de 2016.

5 – Des incitations au développement du Perco

En février, l’Assemblée nationale a voté plusieurs mesures ayant pour objectif de rendre le Plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco) plus attractif, aussi bien pour les salariés que pour les employeurs :

  • la mise en place d’un Perco par ratification aux deux tiers des salariés, en cas d’absence de délégué syndical ou de comité d’entreprise ;
  • la possibilité de verser dix jours de congés non pris dans un Perco, que les salariés disposent d’un Compte épargne temps ou non (au lieu de cinq pour ceux disposant d’un CET à ce jour) ;
  • la gestion pilotée en fonction de l’âge qui devient l’option par défaut du Perco, afin que la gestion du portefeuille puisse se faire de moins en moins risquée à l’approche de l’âge de départ à la retraite du bénéficiaire ;
  • des taxes réduites pour l’employeur. Les députés ont ainsi voté la suppression d’une contribution de 8,2% spécifique au Perco, et l’abaissement du forfait social (20%) dans certains cas, notamment si un minimum d’investissement en PME et ETI (entreprise de taille intermédiaire) est respecté. Le gouvernement et l'Assemblée nationale tiennent toutefois à limiter cet abaissement à 16% alors que les sénateurs souhaitent l’abaisser à 12%.

6 – Un forfait social réduit en cas de 1er accord

Un forfait social de 8% au lieu de 20% dans les entreprises « qui concluent pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement ou qui n’ont pas conclu d’accord au cours d’une période de cinq ans avant la date d’effet de l’accord ». Cette mesure votée par l’Assemblée nationale en février ne concerne pas directement les salariés, le forfait social étant une contribution à la charge de l’employeur, mais elle vise à inciter à la conclusion d’accords d’épargne salariale.

7 - Favoriser les fonds investis dans les PME et ETI

Le règlement des fonds d’épargne salariale, les FCPE, doit déjà préciser « les considérations sociales, environnementales ou éthiques que doit respecter la société de gestion dans l'achat ou la vente des titres ». L’Assemblée nationale a voté un amendement réclamant aux sociétés de gestion de préciser aussi les « considérations liées aux types d’entreprises financées (part des PME et ETI, par exemple) », et demandant à ces sociétés de rendre compte de leur application dans le rapport annuel du fonds. Les sénateurs y sont défavorables mais le gouvernement et les députés devraient avoir le dernier mot sur ce sujet.

8 - Des propositions aux oubliettes ?

En novembre 2014, le Copiesas a remis 31 recommandations au gouvernement pour réformer l’épargne salariale. Celles-ci devaient être intégrées lors de la discussion au Parlement. Mais certaines « gênent » le gouvernement comme le reconnaissait le député Christophe Castaner à l’automne dernier. Certaines propositions semblent ainsi être tombées aux oubliettes, à l’image de la création d’un Livret E, un temps évoquée.

9 - Coût pour l’Etat : « 60 à 80 millions d’euros »

Le ministre de l’Economie a chiffré le coût de la « réforme de l’épargne salariale » lors de son audition au Sénat. La « diminution du forfait social » représente selon lui « un coût de l'ordre de 60 à 80 millions d'euros ». Et le ministre de préciser : « Nous ne pourrons aller très au-delà de ces propositions pour des raisons budgétaires. »

Nota bene : le texte est actuellement en discussion au Sénat, en procédure accélérée. Il doit encore être examiné en lecture définitive par l'Assemblée nationale, a priori au début de l'été.