Saisie par le président de l’Assemblée nationale il y a un an, la Cour des comptes vient de rendre public son rapport sur les aides de l’Etat à l’accession à la propriété : APL, PAS, PTZ, PSLA. Il est plutôt sévère, notamment à l’égard du Prêt à taux zéro, dont l’institution demande la réforme. Alors, à quel sauce va être mangé le PTZ en 2017 ?

« (…) Le PTZ+ (1) se caractérise par des effets d’aubaine élevés et des risques d’effet inflationniste ». Dès l’introduction de son rapport, publié mercredi 30 novembre, la Cour des comptes appuie là où ça fait mal. Dispositif emblématique de la « France des propriétaires », cette politique publique constamment reconduite qui a amené 57% des Français à faire l’acquisition de leur logement, le Prêt à taux zéro - inventé en 1995 mais héritier du PAP (prêt d’accession à la propriété) créé en 1977 - a un objectif principal : réduire la charge d’emprunt des ménages modestes, afin de les aider à acheter leur logement.

Toutefois, le dispositif a été régulièrement instrumentalisé à des fins politiques. Il est idéal, en effet, pour s’attirer les faveurs électorales des classes moyennes aspirant à la propriété, et des entrepreneurs et salariés du bâtiment. L’histoire du PTZ est ainsi faite de coups de frein et d’accélérations, dont la dernière en date, décidée par l’actuelle majorité, est entrée en vigueur début 2016.

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Une instabilité qui empêche, déplore la Cour des comptes, l’évaluation précise des effets réels du dispositif, alors que son coût pour la collectivité est non négligeable : 1,7 milliard d’euros en 2016, selon la Cour, qui avertit : « Le maintien en l’état (…) conduira assurément à un accroissement de la charge pour les finances publiques, au cours des prochaines années, compte tenu notamment des effets de l’élargissement du PTZ+ en 2016. »

Que reproche la Cour des comptes au PTZ ?

La question sous-jacente posée par l’institution chargée de veiller à la régularité des comptes publics est la suivante : le PTZ vaut-il autant d’argent ? La réponse est plutôt négative. Le Prêt à taux zéro et les autres dispositifs étudiés par le rapport - aide personnelle au logement (APL), prêt d’accession sociale (PAS), prêt social de location-accession (PSLA) - « demeurent fondés sur des outils que les conditions actuelles des marchés immobiliers, du coût du crédit et des revenus des accédants potentiels ont largement émoussés », tranche la Cour des comptes. En résumé : ils ont perdu, au fil des années, toute efficacité.

Cela tient notamment à l’évolution des taux d’intérêt du marché, qui sont passés de 7,5% en moyenne en 1995, lorsque le PTZ a été lancé, à 4% en 2005 et 1,8% actuellement pour un emprunt sur 25 ans. « Dans ce contexte, la proportion des prêts aidés ou à taux privilégié par rapport aux prêts obtenus sur le marché a diminué , car ils sont devenus de moins en moins intéressants pour les acquéreurs. » Pourtant, de manière paradoxale, le PTZ tend à devenir de plus en plus coûteux.

Par ailleurs, l’effet déclencheur du PTZ, c’est-à-dire sa capacité à solvabiliser des ménages qui sans lui n’auraient pu acheter, est aujourd’hui impossible à affirmer. Le seul chiffre disponible sur le sujet date de 2005, et il est faible : « L’effet déclencheur du PTZ n’était avéré que dans 15 % des cas », constate la Cour. Le dispositif, dans sa forme actuelle, génèrerait ainsi de « trop forts effets d’aubaine », facilitant des accessions qui auraient quand même eu lieu en son absence.

Dans le même temps, le Prêt à taux zéro porte en lui un effet pervers majeur : son impact potentiel sur la hausse des prix. Il est mis en évidence, par exemple, en 2009, à l’occasion du doublement du PTZ : « Dans cette période de baisse générale des valeurs immobilières, les prix du foncier ont mieux résisté dans les zones ayant le plus bénéficié de la hausse du PTZ ». Ce qui suggère, selon l’étude, « qu’une partie de l’aide accordée par les pouvoirs publics n’a pas profité aux nouveaux acquéreurs, mais a contribué à renchérir le coût du foncier. »

Que propose la Cour des comptes pour réformer le PTZ ?

La Cour des comptes pose clairement la question de la suppression du PTZ. Mais elle peine à y répondre, « les évaluations existantes [étant] insuffisantes pour apporter une réponse tranchée sur cette question ». L’institution évoque également la possibilité d’une « suspension », en attendant par exemple que les taux d’intérêt remontent.

Si, toutefois, l’Etat souhaitait maintenir une politique de soutien à l’accession à la propriété, l’institution l’encourage à engager « une refonte globale » pour faire du PTZ un « système recentré reposant sur un ciblage social et territorial plus précis, sur des critères d’éligibilité stables et simples, et sur une réduction des effets d’aubaine et des effets inflationnistes. »

La Cour conseille ainsi à l’Etat de « resserrer les critères de ressources », d’élaborer des barèmes cohérents voire communs avec les autres dispositifs, de mieux cibler les zones où il est réellement utile, de mieux l’articuler avec les politiques locales de logement et d’urbanisme et enfin de mettre en place un dispositif permettant d’apprécier ses effets sur la solvabilité des ménages modestes et sur les prix de l’immobilier, notamment. Tout un programme.

La Cour des comptes va-t-elle être suivie par le gouvernement ?

La refonte du PTZ, toutefois, n’est pas à l’ordre du jour du projet de loi de finances pour 2017, la date d’échéance du dispositif actuel étant reportée au budget 2018. Le dispostif peut toutefois assez facilement être modulé en publiant par décret de nouveaux barèmes.

2017, ensuite, est une année électorale, et l’élection présidentielle 2017 s’annonce comme la plus ouverte de l’histoire de la 5e République. Le PTZ sera-t-il de nouveau instrumentalisé à des fins politiques ? Ou tout simplement ignoré, malgré son coût ? Difficile, aujourd’hui, de savoir à quelle sauce sera mangé, ou non, le Prêt à taux zéro.

Suppression du PAS, réforme de l’APL

Si, au final, la Cour des comptes préserve relativement le PTZ, en appelant seulement à une réforme, elle est moins indulgente avec le PAS, dont elle propose la suppression en raison de sa perte totale d’attractivité dans le contexte de taux actuel, de sa complexité et de sa faible popularité.

L’institution demande également une réforme de l’APL-accession, et notamment une meilleure coordination avec le PTZ.

(1) Le PTZ+, ou Prêt à taux zéro renforcé, est la dénomination du PTZ issue de la réforme de 2011, qui supprimait notamment les conditions de ressources pour bénéficier du dispositif.